ÉDITO novembre 2023 : industrialiser les pratiques pour sauver la planète ?
Yves Vandevoorde
Industrialiser les pratiques pour sauver la planète ?

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Mais qu’est-ce qui prend tout d’un coup l’agro-industrie de vouloir lutter contre le réchauffement climatique et protéger l’environnement ? Un éclair de bonté et d’altruisme ? Surement pas ! Plutôt une volonté sournoise de renforcer la dépendance des paysans.


Une semaine sans viande sponsorisée par des acteurs de l’agro-industrie telle que Bonduelle, Carrefour, Hello Fresh, Boursin,… Une nouvelle réglementation européenne pour mettre sur le marché des plantes OGM plus résistantes à la sécheresse et moins
demandeuses en phytos, poussée par des semenciers tels que Syngenta, Bayer et Corteva.
Ou encore une laiterie qui invite ses adhérents à utiliser du Bovaer®, un produit « miracle » qui permet de diminuer les émissions de méthane entérique des vaches.


Quel est le point commun entre toutes ces initiatives ? A première vue, on pourrait croire à une volonté des acteurs de l’agro-industrie de s’attaquer aux problèmes environnementaux de notre société. Mais sous ce couvert de... vert, se cache des mécanismes très pernicieux qui menacent l’autonomie des producteurs et productrices.


En effet, vouloir supprimer la viande, c’est mettre à mal le modèle de polyculture-élevage, socle de systèmes agricoles plus autonomes et durables (pensons notamment à la fourniture d’engrais organique ou encore au rôle des prairies dans l’assolement pour casser le cycle des ravageurs, entre autres exemples).


Mettre sur le marché de nouveaux OGM plus « verts », c’est chercher à renforcer le monopole des semenciers mais surtout à rendre illégale la sélection de variétés paysannes et s’approprier la propriété intellectuelle de générations de paysans et paysannes.


Enfin, inciter des éleveurs à utiliser du Bovaer®, c’est les contraindre à abandonner le pâturage (incompatible avec ce produit) et à davantage nourrir leurs animaux au bâtiment pour, in fine être plus dépendants des achats d’aliments et de la mécanisation tout en omettant le bien-être des animaux.


A écouter les acteurs agro-industriels, ceux-ci seraient contraints à évoluer dans cette direction et seraient malheureusement dépendants d’une société qui les poussent dans ce sens.


Mais si c’était si vrai, pourquoi n’entend-on pas ces mêmes acteurs défendre le pâturage, le modèle de polyculture-élevage, les semences paysannes,… toutes ces voies qui conduisent à une agriculture réellement plus durable ?


La réponse est simple et n’a rien à voir avec une prétendue volonté de s’attaquer aux problèmes environnementaux. Car derrière toutes ces initiatives se cache un seul objectif : rendre les agriculteurs et agricultrices plus dépendants des firmes !


Ces exemples nous montrent bien que l’industrie a la volonté de garder la main sur notre alimentation et donc sur nos productions, afin de garder la plus-value des produits agricoles.


Et cette prétendue action climatique est bien inefficace. Car ces initiatives ne s’attaquent qu’à un seul problème environnemental, sans vision systémique. Or, si nous voulons arriver à un résultat positif général en termes de biodiversité, diminution de carbone atmosphérique, lutte contre le changement climatique, gestion de l’eau, … seule la mise en place d'un écosystème
durable, basé sur les pratiques agroécologiques, est envisageable.


Alors, producteurs et productrices, ne nous laissons pas enfermer dans ces menottes vertes que l’industrie essaye de nous passer autour des mains, sous prétexte de vouloir sauver le monde !


Le monde, nous participons déjà à l’améliorer via l’adoption de pratiques plus durables et autonomes et la transition vers de modèles agricoles plus résilients et sobre en intrants. Et ça, soyons-en fiers et fières !


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